Florin Bénédicte, 2011, « Résister, s’adapter ou disparaître : la corporation des chiffonniers du Caire en question », dans Corteel D., Le Lay S. Une ethnologie du travail dans les égouts, Paris, CTHS, coll. Le droit français défini 4 grands principes en matière de gestion des déchets : Principe de prévention et de réduction à la source de la production et la nocivité des déchets ; Principe de proximité pour limiter le transport en distance et en volume ; La plupart des catadores travaille individuellement, mais certains d’entre eux sont organisés en coopératives où ils collectent, trient et commercialisent collectivement. Certes, il ne s’agit pas ici de comparer terme à terme ce qui se passe dans des contextes politiques et sociétaux très variés, mais les exemples empiriques, les « terrains » choisis, ont vocation à s’éclairer et à s’enrichir les uns les autres. L’ensemble de ces processus participe à la durabilité environnementale, d’autant que le volume de matières premières utilisées est alors réduit. Les modes de gestion diffèrent selon que l'on se trouve dans un pays développé ou en développement, dans une ville ou dans une zone rurale, que l'on ait affaire à un particulier, un industriel ou un commerçant. - CECAD-PLOMB, Collectif pour l'étude du Plomb, Paris, 1995. À toutes les époques, le rapport au déchet paraît soumis à cette double dimension de l’éloignement et de la proximité. 72La première partie de cet ouvrage, « Récupérer et valoriser les déchets : entre marginalisation et reconnaissance », met l’accent sur les acteurs qui ont à faire directement avec les déchets : ceux qui les cherchent dans la ville, ceux qui fouillent, les manipulent au plus près, les collectent, les transportent, les trient, les revendent, les recyclent. L’atrocité de cet événement n’a été que la manifestation la plus violente d’une campagne de « nettoyage social » – limpieza social –, mise en place par des groupes organisés à partir des années 1980, qui visait à éliminer de la société les individus considérés « jetables » – desechables – tels que les mendiants, les vagabonds, les prostituées et les récupérateurs, etc. ). la chute, la déchéance – (2010, 49-50). 26 Initiateur de l’enseignement de la rudologie qui est la science du déchet et de l’ordure et l’étude des biens exclus et rejetés en incluant une dimension spatiale très forte : l’approche par la rudologie amène à l’analyse de la marge, le déchet étant le révélateur de la misère sociale (Gouhier, 1984, 2000). Ces caractéristiques permettent que la prise en charge des différentes opérations qui composent le service (collecte, tri, entreposage, élimination, etc.) Souvent les toponymies de leurs quartiers d’habitation et de travail, mais davantage encore l’étymologie des termes qui les désignent, disent tout de suite « à qui » on a affaire : chiffonnier, gadouilleur, éboueur se comprennent aisément en français et l’on peut y ajouter le bouâra casablancais – terme dérivé d’éboueur – ou encore le lumpensammler allemand, littéralement le récupérateur de chiffons, qui évoque forcément le lumpenprolétariat, le prolétariat en haillons, sans oublier le zabbal du monde arabe dont le nom dérive de zoubâla, le fumier, ou le basuriego colombien (de basura, ordure). ), 1999, Le déchet, le rebut, le rien, Seyssel, Champ Vallon, 232 p. Bernache Gerardo, 2003, « The Environmental Impact of Solid Waste Management: The Case of Guadalajara Metro Area », dans Resources Conservation and Recycling, 39 (3), p. 223-237. 58Enfin, sans doute la « double peine » atteint-elle son comble lorsque les récupérateurs, comme au Caire, ont eux-mêmes à payer une taxe pour la collecte de leurs déchets alors qu’ils n’ont jamais vu l’ombre d’un camion benne…. Nous déclinons cette affirmation sur la plupart des dossiers que nous traitons dans Science et pseudo-sciences (climat, biotechnologie, santé, environnement...). Dixon Stephen, 2013, Ordures [roman], Paris, Cambourakis, 274 p. Doctorow Edgar Laurence, 2010, Holmer & Langley [roman], Arles, Actes Sud, 240 p. Dorier-Apprill Élisabeth (dir. 76Cette dialectique exclusion/inclusion renvoie à la notion « d’inclusion perverse » (Sawaia, 1999) analysée par Solène Pérémarty dans son article sur les récupérateurs – catadores – du Brésil. Cette boîte à outils se présente sous forme d'onglets thématiques : Dans chaque onglet, vous trouverez des fiches méthodes et des outils à télécharger. Celles-ci témoignent de la division sociale de l’espace, des inégalités territoriales qui se déploient à l’échelle de la métropole et de processus de marginalisation dont les récupérateurs sont un exemple éloquent. Pour sortir de ce dilemme, la société chargerait donc des acteurs spécifiques d’opérer la médiation entre ce qui est « sale » et « impur » et ce qui ne l’est pas. 81Dans le premier volet de cet ouvrage ont été évoquées des questions que le lecteur retrouvera au cœur des sept contributions qui composent son deuxième volet. (dir. Dans ce contexte, le déchet – en tant que matière récupérée – acquiert de la valeur ajoutée dans la mesure où de plus en plus de main-d’œuvre est mobilisée pour sa transformation et, enfin, devient une marchandise. Scavenging and Recuperation in Calcutta », GeoJournal, 8.2, p. 129-136. Le lixiviat, engendré par la percolation de l’eau et des liquides à travers les déchets, est chargé de polluants organiques, chimiques et de métaux lourds. 13 En 1992, dans la ville de Baranquilla, en Colombie, la presse locale signala l’information selon laquelle les corps de 40 récupérateurs avaient été retrouvés mutilés : leurs organes avaient été retirés et vendus pour des transplantations et leurs corps achetés par l’université locale afin d’être disséqués par des étudiants de médecine. En France, le vol de cuivre, en particulier celui des câbles qui alimentent le réseau ferré, est régulièrement évoqué dans les médias : les cours élevés de ces métaux expliquent la rentabilité de ce type de récupération. 68Sans doute le paradoxe réside-t-il ici dans le fait que les inégalités territoriales et les dysfonctionnements qui caractérisent la gestion des déchets dans de nombreuses villes ont été les arguments mobilisés par les élites nationales et les organismes internationaux pour prôner des réformes dans le secteur, de la même manière que cela a été fait pour d’autres types de services. Dans le même ordre d’idée, un constat s’impose : si le système permet sans doute aux récupérateurs de survivre, il paraît également les figer dans des conditions sanitaires très fragiles. 33Les recherches de C. Furedy (1984) sur Calcutta enrichissent la typologie des récupérateurs et des modes d’articulation de leurs activités au système économique urbain. Molinier Pascale, 2008, « Éditorial », Travailler, no 19, p. 5-7. www.cairn.info/revue-travailler-2008-1-page-5.htm (consulté le 24 octobre 2014). L’article d’Émilie Guitard propose une analyse de ce transfert du déchet de l’espace privé à l’espace public : dans les villes moyennes de Garoua et Maroua, au Nord du Cameroun, les restes sont, en effet, d’abord réutilisés et réemployés dans la sphère domestique ou dans des réseaux spécifiques du réemploi tels que celui des forgerons. 55Cette dimension territoriale constitue une autre lecture transversale de Sociétés urbaines et déchets où les différentes échelles d’observation choisies par les contributeurs se font écho : les espaces de vie et de travail des récupérateurs et la « double peine » qui pèse sur eux en raison des risques ; les circulations des hommes et des matériaux en ville ainsi que les « territoires de collecte » et, enfin, l’échelle urbaine et la question des différentiels de gestion et des injustices socio-spatiales qui en découlent. L’on voit bien ici comment la valorisation du déchet vit encore une autre étape : le passage du déchet-ressource au déchet-produit entraîne un déplacement de la valeur du déchet et implique des concurrences et conflits entre acteurs, mais agit aussi sur l’organisation du territoire urbain. », Annales des ponts et chaussées, no 77, p. 67-76. En effet, ce secteur est caractérisé par un ensemble de points fixes (les sites de collecte, tri et traitement) raccordés par « des connexions mobiles » qui en font un « réseau mou »24, plus souple et plus segmenté (Debout, 2012, 8). La croissance de la production et le développement, toujours plus rapide, de biens de consommation ont Parvenant à recycler 79 % des déchets de la capitale de l’Uruguay, les clasificadores subissent néanmoins les externalités négatives de ce système de gestion hybride : aussi leurs quartiers sont-ils des espaces de grande pollution, où les déchets non réutilisables s’accumulent sans que la municipalité n’intervienne ; de même, certains camions bennes préfèrent déverser leurs déchets chez les clasificadores plutôt que d’avoir à payer le prix de mise en décharge. Un consensus semble atteint, même si localement les situations sont très diverses et l’intégration parfois plus que relative. Gérer les déchets, c’est prévenir leur apparition, les réutiliser et les recycler, voire les éliminer le plus rationnellement possible. 22 Dès 1970, à la suite du congrès de Bâle sur l’élimination des déchets, deux structures internationales – l’INTAPUC (International Association of Public Cleansing) et l’IRGRD (International Research Group on Refuse Disposal) – s’associent pour créer l’ISWA (International Solid Waste Association), devenue aujourd’hui une référence en matière de recherche-action sur les déchets. 6 Nous sommes bien conscientes que le terme « informel » est sujet à débat : « On s’est mis à appeler “secteur informel” tout ce qu’on appelait auparavant artisanat ou micro-entreprise ou encore petite production marchande […]. En effet, comme l’explique dans cet ouvrage L. Fernández, le secteur industriel formel s’épargne, grâce à cette sous-traitance à bas prix, une grande part des coûts qu’il aurait à payer s’il devait lui-même collecter, trier, nettoyer, empaqueter, etc., les matériaux à recycler. Cependant, la fermeture de la décharge bouleverse ce système et a un effet de clivage au profit des récupérateurs les plus anciens, davantage ancrés et aidés par les réseaux sociaux et professionnels qu’ils ont tissés à Alger, et les « intermittents » de la ville, récemment arrivés et plus démunis. À titre d’illustration, ici les systèmes de gestion du Nord « exportés » au Sud n’intègrent pas les différentiels de production des déchets et leur nature différente, par exemple, le fait que la proportion d’organique ou de poussière y soit bien plus importante : « Dans les pays riches, la production d’ordures ménagères continue à s’accroître, proportionnellement au niveau de vie (1 à 2 kg par personne et par jour en France, 4 kg aux États-Unis). Ainsi, Mathieu Durand analyse pour Lima, autre grande métropole latino-américaine, les logiques spatiales des transferts de déchets : de la sphère domestique à la rue, de la rue aux lieux de traitement et récupération qui se superposent aux lieux de vie des recycleurs (comme dans l’exemple de Montevideo évoqué en première partie). Pourquoi mobiliser les activités économiques ? En France, l’essor et la multiplication des structures de récupération, de réemploi, de recyclage – comme Emmaüs, pionnière dans le domaine du chiffonnage, ressourceries, entreprises de l’économie sociale et solidaire – témoignent d’un engouement pour le « vintage », mais, pour une clientèle paupérisée, ce sont aussi des lieux d’approvisionnement d’objets de seconde main qui, pour bon nombre, échappent ainsi à la poubelle. Les déchets irrécupérables sont souvent brûlés par les récupérateurs eux-mêmes afin d’en réduire la quantité et c’est ainsi que, à deux reprises dans les années 1980, le quartier des chiffonniers du Caire a totalement pris feu. 2 On pense bien sûr ici au film d’A. Nous remercions ici J. Cavé pour ces informations. Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque/établissement d’acquérir un ou plusieurs livres publié(s) sur OpenEdition Books.N'hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées :OpenEdition - Service Freemiumaccess@openedition.org22 rue John Maynard Keynes Bat. 1, no 1, p. 91-106. Il est illusoire cependant d’envisager à court terme la mise en place d’une structure complexe et formelle de gestion des déchets. Économie de gestion des déchets ménagers, Paris, L’Harmattan, 206 p. Bertolini Gérard, 2005, Économie des déchets, Paris, Technip, 208 p. Bertolini Gérard, 2011, Montre-moi tes déchets. Ces pratiques de récupération, de tri, de réutilisation et de recyclage contribuent au traitement d’une partie des déchets urbains : elles fournissent parfois un réel service aux citadins, mais assurent également des emplois et revenus à des populations se situant aux marges du marché du travail et, souvent, aux marges de la société. Raczynski Dagmar, 1977, « El Sector Informal Urbano : Controversias e Interrogantes », Estudios CIEPLAN, no 13. Cette image, évoquée par l’anthropologue mexicaine L. Lomnitz dans sa recherche sur les habitants d’un quartier populaire de la ville de Mexico, met en exergue des modalités de travail et de mode de vie que l’on retrouve dans d’autres situations décrites à travers le monde : à savoir, la dimension précaire, aléatoire et risquée de l’activité de ces récupérateurs et leur relation avec la société en marge de laquelle ils travaillent et ils vivent. une gestion des déchets ménagers sur le Parc Marin de Mohéli afin d’éviter d’en arriver au même état critique que les îles voisines. Tous les déchets sont concernés (solides, liquides ou gazeux, toxiques, dangereux, etc. […] Dans les quartiers pauvres des villes africaines, la production quotidienne de déchets ne dépasse pas 400 g par personne, essentiellement composés de débris végétaux et alimentaires, de poussières et de cendres. ), Casual Work and Poverty in Third World Cities, New York, John Wiley and Sons, p. 87-104. Salvaging for Sustainable Consumption and Production, Globalization and the Environment, Lanham, Altamira Press, 303 p. Melosi Martin V., 1981, Garbage in the Cities. Aussi, en effet, marqués par l’injustice spatiale, les espaces pauvres des métropoles restent-ils sales et, plus grave, leurs habitants sont les premières victimes face aux risques liés aux déchets comme l’a montré la résurgence de la peste à Madagascar dans les années 1990. Originaires de Sidi Damed, situé à 250 km d’Alger, ces récupérateurs réalisent des allers-retours entre la décharge, où ils résident temporairement, et leur bourgade d’origine, où vivent leurs familles et où se trouvent des ateliers de recyclage. 30, no 5, p. 621-630. Répartition (distribution) : les marchés déterminent les quantités produites et pour qui, mais rien ne garantit que tout le monde s’y retrouve. 49Dans ce contexte, les solutions de gestion proposées dans le cadre des réformes des services – souvent de pures transpositions de modèles exogènes, accompagnées d’injonctions environnementales et d’une idéologie modernisatrice fortes – sont éloignées des capacités, au niveau local, à les assumer financièrement, technologiquement, mais surtout socialement (Jaglin, 1998, 2004, 2005 ; Wilson et al., 2006 ; Medina, 2007 ; Jaglin, Zerah, 2010 ; Verdeil, 2010 ; Cirelli, 2012 ; Debout, 2012 ; Florin, 2010 ; Fernández, 2010 ; Carré, 2013). Les premiers contacts se sont noués avec les récupérateurs d’Inde, puis ont été créées des coopératives locales et nationales, suivies de la construction d’un réseau de récupérateurs en Amérique latine. gestion des vaccins, la procédure de commande, la gestion des inventaires, l’entreposage des vaccins et le maintien de la chaîne de froid. 4 La matière première secondaire désigne un matériau issu du recyclage des déchets et pouvant être utilisé en substitution totale ou partielle d’une matière première vierge ; il s’agit d’une notion intermédiaire entre le déchet et le produit. La filière bois met en avant une amélioration possible de la classification des déchets de bois et de la réglementation pour améliorer la valorisation énergétique de ce matériau ; La filière textile doit progresser dans la collecte et le tri, et mettre au point grâce à des efforts de Gervais-Lambony Philippe, Landy Frédéric, 2007, « On dirait le Sud… », Autrepart, no 41, http://www.autrepart.ird.fr/editos/editos/edito41.htm (consulté le 24 octobre 2014). Les contributions de Sociétés urbaines et déchets montrent bien ainsi que les pratiques de récupération et de valorisation mises en œuvre par des acteurs dits informels oscillent entre marginalisation et reconnaissance de la part des acteurs dits formels (politiques, institutions et administrations, entreprises). 25 Si cette figure était caractéristique surtout de la collecte dans les quartiers populaires de la ville, aujourd’hui elle tend à disparaître à Mexico ; néanmoins, dans les villes de province, on peut encore voir les carretoneros à l’œuvre, surtout dans les périphéries urbaines où les autorités tolèrent toujours leur activité. Les recherches de D. Sicular (1992) sur les scavengers des villes indonésiennes de Bandung, Surabaya et Jakarta ainsi que la mise en perspective avec ceux de Shanghai et Mexico décrivent les décharges comme des lieux où l’on travaille autour de ressources qui pourraient s’apparenter à des biens communaux : les individus tirent profit d’une ressource qui est perçue comme appartenant à tous ceux qui l’exploitent. Toutefois, ces mêmes exemples révèlent également les limites de ces expériences comme d’autres auteurs l’ont montré (Baron, 2007). Wolf Eric, 1966, « Kinship, Friendship, and Patron-Client Relations in Complex Societies », The Social Anthropology of Complex Societies, p. 1-22. Ce processus d’internalisation des déchets (Barbier, 1996) implique donc des responsabilités inédites pour les usagers, des innovations technologiques pour la collecte sélective, le tri et le traitement des déchets, ainsi qu’une réorganisation et une nouvelle conception de ce service urbain.